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Faire des affaires aux États-Unis: entre incertitude et opportunités

Les États-Unis offrent encore des opportunités à nos entrepreneurs belges. Mais il est clair que nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Le professeur David Criekemans décrit le contexte plus large dans lequel la géoéconomie est indissociable de la géopolitique et de la géostratégie.

Wim Eraly - David Criekemans - Laurent Convent - Michiel Allaerts - Jo Vander Stuyft

À l'occasion des 100 premiers jours de Donald Trump à la présidence des États-Unis, nous avons organisé au début de ce mois une soirée sur le thème "Faire des affaires aux États-Unis". Outre l'exposé macroéconomique de Laurent Convent, analyste financier chez KBC, et le témoignage inspirant de Michiel Allaerts, CFO de Ravago, le professeur David Criekemans, politologue à l'Université d'Anvers, nous a présenté le contexte et son analyse.
À la question de savoir si la nouvelle Amérique offre des opportunités à nos entrepreneurs, la réponse est simple. "Oui, elles sont même légion." Mais pour bien définir ces opportunités, il faut d'abord élargir la perspective, explique David Criekemans, car "nous sommes clairement entrés dans une nouvelle ère."

Premier constat, le rêve américain est mort. Et cela, selon le professeur Criekemans, tient à l'évolution du tissu économique et à la manière dont plusieurs générations de politiciens l'ont gérée. Pour appuyer ses dires, il se penche sur l'histoire récente des "Rust Belt States". Des États comme la Pennsylvanie, le Michigan, l'Illinois,... symbolisent l'ancienne industrie polluante (automobile, minière, sidérurgique). À partir des années 1980-1990, l'industrie lourde y a été démantelée et délocalisée vers des endroits où il était possible de la développer à moindre coût et sans trop se soucier des problèmes environnementaux.

Deuxième constat, nous sommes entrés dans une nouvelle ère avec Donald Trump qui tente à présent de détricoter ce que Richard Nixon et Henry Kissinger (secrétaire d'État) avaient initié il y a cinq décennies. En 1972, Henry Kissinger avait constaté les tensions entre la Chine communiste et l'Union soviétique. "Et qu'ont fait Richard Nixon et Henry Kissinger? Ils ont adopté une politique d'ouverture à l'égard de la Chine. Taïwan a été exclue du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine l'y a remplacée et une coopération économique a été établie. Vous pensez que je passe du coq à l'âne, parce que je parle de géostratégie et de géopolitique, mais je pense qu'elles sont aussi liées à la géoéconomie."

Délocalisation et main-d'œuvre bon marché

Un processus de délocalisation vers une région où la main-d'œuvre est beaucoup moins chère a été mis en place. Il s'est poursuivi dans les années 1990 sous la forme d'accords de libre-échange. La population de la Rust Belt a vu son avenir imploser. "Les États de la Rust Belt ont plongé dans cette crise structurelle et pour moi, cela symbolise beaucoup de choses. Hilary Clinton a parlé d'un "basket of deplorables", un "panier de minables" prêts à voter pour Donald Trump. C'est aussi le moment précis où les démocrates ont choisi de se concentrer sur l'innovation, les technologies de pointe, les énergies renouvelables,... et ont oublié et perdu une grande partie de leur public. Ces États ne les intéressaient plus. Arrive alors Donald Trump, qui y voit un nouvel électorat et se présente comme le candidat qui comprend ces personnes et est de leur côté. Le parti républicain les représente désormais (la question de savoir si leurs intérêts sont réellement défendus est une autre histoire). Le phénomène est donc plus large."

La rupture avec la Chine se creuse cependant et le professeur Criekemans fait le lien avec l'actualité, car ce que Donald Trump essaie de faire est en fait du "Kissinger inversé". Il veut en effet conclure de bons accords avec la Russie pour l'éloigner de la Chine." La même stratégie, mais inversée.
Nous observons aussi cette rupture dans le modèle économique, car Donald Trump souhaite en réalité transformer et réorganiser toute cette économie, selon David Criekemans. Car pour Donald Trump, les États-Unis doivent rester les leaders dans un certain nombre de secteurs technologiques et la Chine ne doit pas les supplanter. Et c'est précisément par cette vue d'ensemble que David Criekemans démontre que géopolitique, géoéconomie et géostratégie sont indissociables.

Quel impact cette nouvelle situation a-t-elle pour celui qui souhaite faire des affaires aux États-Unis?
Professor Criekemans: "Beaucoup de choses dépendent des variables d'environnement: dans quel monde vivons-nous et quels seront les tarifs en fin de compte? Celui qui est déjà présent sur le marché américain bénéficiera de conditions plus avantageuses. Ce qui est nouveau, par exemple, c'est la ruée sur les sites industriels et ce, en dépit de toutes les incertitudes. L'une des choses les plus importantes que nous avons apprises est l'importance de la qualité et d'un bon service. Et c'est là notre force. Une leçon importante."

Petits pays, grandes réalisations

Selon David Criekemans, de nombreux secteurs sont concernés. "Le secteur de la santé et des produits pharmaceutiques ou les sciences de la vie sont par exemple un pôle important. Prenons IMEC ou ASML aux Pays-Bas, qui montrent clairement que nous avons les capacités et que nous pouvons parfaitement jouer de notre soi-disant faiblesse en tant que petits pays. Mais seulement si notre approche est systématique. Imec a débuté avec sept chercheurs, a reçu le soutien du gouvernement flamand et est aujourd'hui un acteur mondial avec un chiffre d'affaires annuel de plus d'un milliard d'euros. Tout le monde vient y tester les nouvelles technologies de demain: l'aventure technologique est donc à notre portée."

Le secteur de l'énergie. "Les Européens ont travaillé à des technologies renouvelables et à toutes les technologies de l'information qui y sont associées. Et leur déploiement va se poursuivre, avec ou sans Donald Trump. Ou le mariage de l'offre et de la demande. Il existe ici aussi de nombreuses solutions technologiques. Pensez à l'isolation des bâtiments, dont nous sommes les champions mondiaux, à l'expertise de notre secteur pétrochimique en matière d'efficacité énergétique, à notre savoir-faire portuaire,... La liste des possibilités ne cesse de s'allonger, mais l'idée centrale est d'apporter la qualité, d'être un partenaire stable, avec peut-être une présence locale."

David Criekemans estime par ailleurs que nous avons beaucoup à apprendre des Américains en matière d'énergie. Un thème qu'il explore en profondeur dans son nouveau livre Hyperrealisme. Europa in een nieuw geopolitiek tijdperk. "Quel est leur modèle? Une énergie bon marché basée sur la dérégulation et tout tenter. Devrions-nous faire de même? Le choix est politique, mais je pense qu'il est important pour notre compétitivité de miser sur une énergie moins chère."

David Criekemans a donné l'exemple de Bill Gates qui a récemment acheté deux centrales nucléaires pour moderniser et alimenter en énergie ses futurs centres de données. Et grâce à ces centres de données, nous trouverons peut-être la nouvelle molécule pour le secteur chimique et remplacerons la pétrochimie, ou nous trouverons des solutions partielles au changement climatique,....

À la recherche d'un nouvel équilibre

Mais le professeur Criekemans partage également certaines préoccupations, à savoir le démantèlement jour après jour du gouvernement fédéral par l'administration Trump. Selon lui, cela créera de l'instabilité car le gouvernement ne sera plus en mesure de traiter efficacement un certain nombre de problèmes socio-économiques. L'économie américaine est résiliente, mais les temps vont devenir plus incertains.
Ce qui nous ramène à l'Europe et à la Belgique. "Nous devons réfléchir à notre relation future avec les États-Unis. C'est un marché fantastique, où nous pouvons gagner de l'argent et dont nous avons encore besoin dans le domaine de la sécurité et de la défense. Les États baltes, par exemple, sont inquiets. Parce que si la guerre en Ukraine s'enlise, si l'industrie de guerre russe continue de tourner et si Donald Trump se désintéresse du conflit, les Européens ne sont pas en mesure de remplacer les États-Unis dans un certain nombre de domaines."
"Mais en même temps, une nouvelle ère s'ouvre et, c'est là le paradoxe, car si nous y réfléchissons bien, c'est aussi une occasion d'investir, ce qui, à terme, conduira à de nouveaux développements technologiques. Nous devons bien entendu nous inquiéter de l'IA par exemple et nous montrer critiques, mais cela va aussi nous apporter des connaissances et un savoir-faire pour d'autres secteurs dans lesquels nous pouvons être performants. Nous devrons trouver un nouvel équilibre dans ce domaine."

Le professeur David Criekemans a conclu son analyse sur une boutade: "Oui, il y a certainement des opportunités aux États-Unis malgré une grande incertitude, mais "nature will kick in at some point". L'ère Trump passera, le choc est de taille et une "réinitialisation" s'ensuivra, mais l'évolution est plus large, elle progresse depuis plusieurs décennies et elle progresse vers une sorte de nouvelle synthèse politique. Les États-Unis devront y chercher leur voie et nous devons faire de même."

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