Interview Johan Heylen
Des entrepreneurs passionnés d'art, chacun à leur manière.
Le 1er octobre 2024, Johan Heylen a fermé la porte du monde de la biotechnologie et de la pharmacie en tant que PDG de Sanofi à Belgique pour se consacrer entièrement à l'art. Entre-temps, sa nouvelle carrière artistique passe à la vitesse supérieure. Nous nous sommes donné rendez-vous au Faculty Club de la KU Leuven pour son exposition « People on the way ».
Le passage du statut de PDG à celui d'artiste est très particulier, c'est le moins que l'on puisse dire. Quand avez-vous su qu'il ne s'agissait pas d'un simple loisir mais d'une mission?
« Mission, c’est le mot qui convient. L'art est pour moi une vocation. « Je suis appelé ». Je ne peux pas faire autrement. Dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à dessiner et j’admirais mon oncle Jan Heylen. Sculpteur de talent, c’était un disciple d'Ossip Zadkine. Les œuvres de Jan font partie de plusieurs collections de musées, dont le Mu.Zee à Ostende. Il fut assurément une source d’inspiration pour moi.
Basée sur une fascination pour le mystère de la vie, ma peinture aborde la confrontation avec des questions existentielles telles que : Quel est le sens de la vie? Existe-t-il une puissance supérieure défini par certains comme Dieu? Si oui, pourquoi n'intervient-il pas dans les injustices fondamentales? Ou peut-être Dieu intervient-il, mais nous ne le voyons pas. Mais même si Dieu existe, cela ne résout rien. Qui a dès lors créé ce Dieu? C’est insoluble.
Mes réflexions se situent à l’intervalle entre un nihilisme passionné de Nietzsche et Beckett d'une part, et la théologie négative de Meister Eckhart et d'autres d'autre part. Ne trouvant pas de réponse, j'exprime mon incompréhension en couleurs et en images. La peinture me donne une expérience intense proche de la transcendance. »
Quels sont les matériaux qui vous conviennent le mieux?

«Actuellement, j'aime travailler avec l’acrylique. C'est un produit qui sèche rapidement, ce qui me permet de capter le moment sacré en quelques heures. Je trouve aussi le fusain et le pastel très gratifiants. J'expérimente également les médias mixtes, la texture de la peinture avec du plâtre et du sable produit souvent des images intéressantes. Vous savez, lorsque j'étais étudiant à l'université, je confectionnais les décors de nos pièces d'étudiants au théâtre. La créativité dans l'utilisation des matériaux était de rigueur.»
De quelle manière votre expérience dans le monde des entreprises vous aide-t-elle à faire la différence en tant qu'artiste?
«En tant qu'artiste, je préfère évidemment faire preuve de créativité. J'aime aussi montrer mes œuvres au monde extérieur, ce qui implique de chercher des opportunités de visibilité. Mon expérience en tant qu'entrepreneur m'est certainement utile pour établir des contacts ou rédiger un plan d'entreprise et de communication. De plus, je n'ai pas peur de parler en public ou pour demander un retour d''information, qu’elles soient négatives ou non. D'un autre côté, l'art m'a aidé, en tant qu'entrepreneur, de s'attarder sur la mystére de la vie. Cela n'arrive pas très souvent qu'un entrepreneur soit également passionné par l'existentialisme et les grandes questions philosophiques. Cette attitude crée automatiquement un sentiment d'humilité, d'émerveillement et de respect.»
Pourquoi l'exposition «People on the way» représente-t-elle un aboutissement?
«Je considère en effet cette exposition comme un point culminant. Ces dernières années, j'ai déjà pu exposer dans un musée, un centre culturel, une institution financière et une galerie. De formidables opportunités, mais cette exposition-ci est quand même très spéciale. Tout d'abord, la KU Leuven fêtera son 600e anniversaire en 2025.
J'ai pu marquer cet anniversaire historique avec mon exposition. En collaborant avec la Commissie Actuele Kunst de la KU Leuven, j'ai eu des entretiens avec des membres de la commission tels que le professeur Geert Bouckaert et le professeur Stéphane Symons. Stéphane, professeur de philosophie à la KU Leuven, partage avec moi l'amour de la métaphysique. Le professeur Bart Geerts, chargé de cours à la LUCA School of Arts, était également présent. En outre, le pape de l'art, le professeur émérite Bart Verschaffel, commissaire de nombreuses expositions renommées, a pris la parole lors du vernissage. Bref, autant de rencontres extraordinaires où nous avons parlé la même "langue". Le tout dans le cadre unique du Faculty Club au Béguinage. Les quarante œuvres exposées sont magnifiquement mises en valeur dans cet environnement sacré.»
Vous fixez-vous également des objectifs en tant qu'artiste ? Et si oui, que pouvons-nous attendre de vous?
«Il est un peu dangereux de se fixer des objectifs en tant qu'artiste. En fin de compte, vous vivez grâce à l'inspiration qui vous est « donnée ». Je ne la tiens pas pour acquise et j'y vois donc un moment de grâce. Mais en effet, j'ai encore beaucoup de rêves, comme celui d'une exposition dans un musée réputé. Une visibilité et une appréciation accrues, tant au niveau national qu'à l'étranger, figurent toujours sur ma liste de souhaits. Cela demande à la fois de la patience et de la persévérance. Il y a des artistes contemporains qui ont mis des années avant d'être appréciés et qui, entre-temps, ont continué à travailler avec passion.»
Vous pouvez visiter l'exposition jusqu'au 12 septembre 2025 - www.facultyclub.be
Plus d'informations sur l'artiste Johan Heylen - www.heylenjohan.com
