Interview avec l’artiste Cindy Wright

Le travail intimiste de Cindy Wright se trouve, entre-autre, dans la collection du Musée d’Ixelles, du Las Vegas Art Museum, de l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers et de la Banque Nationale de Belgique. Paul Declercq et Marie-Rose Benoot (voir leur interview dans le Private Expert du mois d’avril) possèdent quelques magnifiques œuvres de cette artiste belge dans leur collection. Un nouveau travail et un agenda chargé pour 2022 livrent matière à discussion pour une rencontre dans son atelier à Anvers.

La Cindy, âgée de 10 ans, sa-vait-elle déjà qu’elle deviendrait artiste ?

Photo portrait pour Fashion Victim par Lieven Engelen
Photo portrait pour Fashion Victim par Lieven Engelen

« Quand j’étais petite fille, j’ai rapidement su que je ferais quelque chose en rapport avec le dessin. J’ai suivi mon cœur et j’ai entamé une formation en tant qu’artiste peintre à l’Académie Royale des Beaux-Arts. Cependant, lorsque vous terminez vos études, vous vous rendez compte que le monde ne vous attend pas. Les dix premières années, j’ai mené une lutte acharnée pour obtenir une stabilité. Une période durant laquelle je peignais toute la journée et le soir, je donnais cours, ce qui me permettait d’avoir la tranquillité pour évoluer en tant qu’artiste structurée. »
Une de ses nouvelles œuvres avec un rouge-gorge mort est encore en train de sécher dans son atelier.

Vous réunissez des sujets universels comme la mort, l’éphémère, l’écologie dans le pouvoir enchanté d’un animal mort. Comment avez-vous commencé à peindre de telles natures mortes ?

« Je pars de la photographie et je fais toutes mes images moi-même. En effet, c’est très important de tenir soi-même la caméra et d’étudier ainsi à quoi quelque chose ressemble réellement, quels détails me fascinent. Je trompe parfois le spectateur. Si vous regardez bien, vous voyez qu’il y a des éléments picturaux qui ne sont pas tout à fait corrects. Dans ce travail, je fusionne trois images différentes. Le rouge-gorge est couché sur un sac en plastique qui se transforme en une flaque d’eau en arrière-plan. En premier lieu, l’image parle de la fugacité et de la beauté que nous pouvons trouver dans la nature mais aussi de tous les déchets plastiques qui la menacent dans le même temps. Il y a, pour ainsi dire, une difformité que nous commençons à trouver presque normale. C’est un document temporel, il raconte quelque chose sur notre Zeitgeist. »

Ophelia, huile sur toile, 2022
Ophelia, huile sur toile, 2022

Vos œuvres se caractérisent également par leur grand format. Est-ce un choix conscient ?

« Lorsque j’étudiais à l’Académie, nous travaillions déjà lors de la peinture de modèle sur grand format. J’ai découvert l’impact des grandes peintures à travers l’artiste britannique Lucian Freud. Je suis partie à Londres avec mon sac à dos pour m’y inspirer. Les grandes images sur les affiches publicitaires m’ont également fascinée dans cette ville. Car que tente de faire la publicité ? Les images spic-and-span doivent tenir une promesse, combler quelque chose dont la société a besoin en tant que réponse aux angoisses de mort et de décadence. Evidemment, le but de la publicité est simplement la croissance économique. Je me suis demandé comment je pouvais utiliser ce langage d’une autre façon. Pour raconter une histoire différente qui nous rendra plus forts psychologiquement. »

Cependant, nous pouvons aussi imaginer que la grandeur des œuvres n’est pas seulement un défi psychologique mais également physique.

« C’est effectivement vrai. Après une journée passée à l’atelier, je suis épuisée le soir. Heureusement, je n’ai que quelques marches à faire pour être dans mon salon. »

Ce qui frappe également c’est la propreté de votre atelier. Les pinceaux attendent tel des soldats sur le champ de bataille, la lutte avec la peinture à l’huile.

« En effet, j’ai besoin d’ordre et de silence pour rester concentrée. D’un autre côté, j’aime inviter des collectionneurs dans mon atelier. Pourtant, la vente n’est jamais le point de départ d’un travail. Je travaille de façon émotionnellement intuitive, je veux être passionnée et regarder l’histoire de l’art avec admiration. De cette manière, je peux évoluer dans mon travail. Lorsqu’il s’ensuit de l’appréciation parce que les gens veulent acheter mon travail, c’est un grand compliment. J’ai une raison pour effectuer un travail et je le partage également avec un collectionneur. Parfois, je sais pourquoi quelqu’un choisit une œuvre précise. Elle est achetée avec une signification plus profonde. Mon mari et moi allons aussi installer l’œuvre. Les gens sont heureux de rencontrer cette œuvre car elle fait partie, à ce moment-là, de leur vie quotidienne. Lors d’étapes importantes de mon art, comme une exposition dans un musée, j’invite des collectionneurs à partager ces moments avec moi. »

Avec un nombre limité d’œuvres par an, la volonté de recourir à des prêts est-elle un facteur important ?

« Grâce à la générosité des collectionneurs, qui souhaitent prêter des œuvres, nous bénéficions en Belgique d’un vaste monde artistique et d'une culture florissante. La plupart des collectionneurs n’hésitent pas à prêter des œuvres et en sont même fiers. Une œuvre demandée pour une exposition et qui apparaît dans une publication, est ainsi reconnue. Je trouve important que les collectionneurs suivent la trajectoire que j’emprunte lors de différentes expositions. Je fais maximum 10 à 11 œuvres par an et j’ai donc besoin de l’aide de collectionneurs pour compléter ces expositions. » (rires)

Quelles sont les expositions où les gens pourront admirer vos œuvres en 2022 ?

Black Orange, charbon sur papier, 2013
Black Orange, charbon sur papier, 2013

« Cette année, mon travail pourra être admiré dans plusieurs expositions collectives comme Een zee van tijd dans la maison Zéphir à Westende, Stormloop à Herentals et Stil Leven dans la galerie bruxelloise DYS. Je me réjouis de collaborer avec l’artiste Kris Verdonck pour l’exposition Extractions qui aura lieu dans son hangar annexe à l’atelier de Molenbeek-Saint-Jean. Nos œuvres se concentrent sur l’écologie et sur la portée du passé (colonial). Durant cette exposition, je présenterai l’œuvre Black Orange où j’ai placé une orange sous un plexiglas et laissé le temps faire son travail. La combinaison avec le crâne forme un mémento mori parfait. Les dessins Eye to eye peuvent être vus durant le festival artistique Moment à Tongres. Jeroen Olyslaegers, Tom Lanoye, Erik Vlaminck, Joke Van Leeuwen, Peter De Graef et Fikri El Azzouzi écrivent chacun une histoire qui correspond à un dessin choisi. »

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