Interview avec Rinus Van de Velde: Metteur en scène de mes propres rêves
Rinus Van de Velde n’a pas l’habitude de rester les bras croisés. Il a conçu l’oeuvre 'Living' pour le nouveau musée Abby de Courtrai. Entre-temps, il est en pleins préparatifs pour une nouvelle exposition, mais pour l’instant, nous pouvons rêver éveillé avec cet artiste multidisciplinaire dans son atelier anversois.
Des dizaines de livres sont exposés sur sa table de travail. Non pas pour faire impression, mais comme source d’inspiration pour ses oeuvres. Tout en bas de la pile se trouve 'Films', le livre récemment publié chez Hannibal dans lequel l’artiste présente son propre monde de rêve(rie).
Quelle rêverie aimeriez-vous réaliser vous-même?
L’avantage qu’offre la rêverie, c’est de pouvoir réaliser bien plus en rêve qu’en réalité. Par exemple, pendant que je dessine, je peux avoir une conversation avec le peintre Pierre Bonnard. Je reste quand même assis devant ma feuille blanche pendant huit heures par jour. Dessiner est devenu pour moi un automatisme, ce qui permet à mon esprit de divaguer librement et m’amène à rêver éveillé.
J’ai un jour voulu réaliser mon rêve de devenir un peintre en plein air, mais, rétrospectivement, cela s’est avéré ne pas être une bonne idée. Je rêvais à ce que ce serait de peindre en plein air comme David Hockney et de devoir transporter mes toiles. Du coup, je me suis acheté un chevalet et de petits tubes de peinture pour aller peindre à l’extérieur. Au bout d’une heure, j’ai attrapé froid aux pieds et j’ai réalisé que certaines choses devaient résolument rester du domaine de l’imaginaire. (rires)
En effet, le plaisir réside avant tout dans l’élaboration de projets et dans la pensée de ce qui reste à venir. Vous savez, depuis votre fauteuil, vous pouvez aussi parcourir le monde. Tout comme le dessin est une façon simple de créer, la rêverie est aussi une façon simple de vivre. Je peux aller parler à qui je veux dans mon imagination. Parfois, la réalité détruit le rêve.
Comment vous réinventez-vous sans cesse et où, ou auprès de qui, puisez-vous votre inspiration?
Le simple fait de s’arrêter et de regarder dehors vous expose déjà à tant de beauté inattendue. C’est ce que j’admire dans l’oeuvre de David Hockney, que je viens d’évoquer. La façon dont il zoome sur un détail comme l’ombre projetée par les objets. L’histoire de l’ombre est particulièrement fascinante dans le monde de l’art. Si vous sortez et essayez de ne prêter attention qu’aux ombres, vous découvrirez la réalité d’une manière différente. Regarder le monde d’une autre manière, c’est ce qu’un bon artiste ne cesse de faire. Nous pouvons probablement considérer Hockney comme le dernier véritable peintre en plein air.
Quel regard, à la fois rétrospectif et prospectif, portez-vous sur votre travail?
Il y a 20 ans, j’ai commencé à travailler en noir et blanc et je voulais maîtriser le fusain. Au bout de 10 ans, j’ai ressenti le besoin d’emprunter d’autres voies et je suis passée aux pastels à l’huile de couleur. Je me suis également lancé dans la céramique et les films. Je me suis rendu compte que je ne pouvais plus tout exprimer en me contentant de dessiner en noir et blanc. J’ai également acquis plus d’assurance pour oser expérimenter.
À l’origine, j’ai étudié la sculpture, puis j’ai arrêté un moment car j’étais fasciné par la légèreté du dessin. Une feuille de papier, 4 clous dans le mur et vous pouvez commencer. Mais progressivement, cette troisième dimension est revenue s’insinuer dans mon travail. J’ai commencé à faire des décors dans lesquels je me photographiais, puis je les dessinais. Puis, j’ai pensé que ces décors étaient suffisamment forts pour être présentés dans des expositions. Mais j’ai aussi réalisé que ces oeuvres étaient très fragiles et j’ai donc commencé à les documenter par des films. Il s’agit du support idéal pour documenter, car chaque décor n’est pas dessiné.
Du reste, mon oeuvre s’apparente beaucoup à la peinture, et je nourris peut-être le rêve secret de réaliser un jour une peinture. Je ne sais pas si je le ferai un jour, et, dans ce cas, ce sera effectivement une rêverie qui ne deviendra jamais réalité.
Avez-vous déjà une idée de la manière dont vous allez commencer?
J’ai déjà acheté beaucoup de peinture à l’huile (rires). Et j’ai commencé par de petites oeuvres. Il est intéressant de constater que j’utilise maintenant ces esquisses comme base pour mes grands dessins. Un peintre fait souvent un dessin pour réaliser une toile, je suis un dessinateur qui peint pour parvenir à un dessin.
Il est quand même étrange que l’on parle généralement de tableaux et non de dessins lorsqu’on évoque votre oeuvre.
C’est en effet une grande méprise. Je me considère avant tout comme un dessinateur. Je parlerai rarement de mes oeuvres comme de tableaux, mais bien de dessins. Qu’est-ce qui définit un tableau? Est-ce le support, la toile ou la peinture? Pour moi, cela reste avant tout un dessin parce qu’il est sur papier. Même s’il est dessiné au pastel à l’huile. On peut travailler en couches, comme dans la peinture, mais on ne peut pas vraiment mélanger les couleurs.
Pour moi, un dessin est également fini. Sur un tableau, il est toujours possible de faire de petits adaptations. Dans le cas d’un dessin, ce n’est pas le cas. Une fois que la feuille est pleine, il faut s’arrêter. Et je dois aussi admettre que laver les pinceaux, ce n’est pas mon truc non plus.
Votre travail est très apprécié. Ressentez-vous la pression des collectionneurs qui veulent acheter vos oeuvres?
J’essaie de faire la part des choses. Je fais le travail principalement pour moi et pour quelques personnes de mon entourage qui peuvent me donner leurs impressions. Mais c’est à la galerie qu’il incombe de prendre contact avec les acheteurs. Elle est l’intermédiaire entre moi et le monde extérieur et veille à ne pas perturber mon processus créatif. Sinon, je ne serais peut-être jamais passé du fusain au pastel à l’huile. Mais je sens que mes collectionneurs sont très ouverts à l’idée d’emprunter avec moi de nouvelles voies.
Et où les admirateurs de votre travail pourront-ils bientôt s’adresser?
Fin août, ma nouvelle exposition sera inaugurée chez Tim Van Laere à Anvers. Et ceux qui veulent voyager un peu plus loin peuvent se rendre à Marfa (Texas) ou à Séoul. Du reste, nous avons également commencé à travailler sur un quatrième film, mais cela pourrait encore prendre quelques années. Il y a donc beaucoup de choix, à la fois à proximité et un peu plus loin.
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