Philanthropie en évolution: la Fondation Roi Baudouin
La philanthropie n'est plus cantonnée aux "bienfaiteurs" d'antan. Aujourd'hui, les personnes, les familles et les entreprises fortunées allouent stratégiquement leurs fonds, pour s'assurer de résultats tangibles et d'un impact durable. De nouveaux concepts, comme la "venture philanthropy" et l'investissement à impact social ("impact investing") reflètent cette évolution. La Fondation Roi Baudouin les accompagne dans cette démarche avec son expertise et son réseau toujours plus étendu, ainsi qu’une proposition sur mesure.
La philanthropie évolue, passant de projets locaux à des collaborations internationales et à de nouveaux modèles tels que les fondations holding.
Ludwig Forrest, Chief Philanthropy Officer
Comment déterminez-vous ce que souhaitent précisément les candidats-philanthropes? Quelles sont les causes les plus souvent choisies par les donateurs?
"Nous commençons toujours par une conversation ouverte", répond Ludwig Forrest. "Avec la personne elle-même, avec son gestionnaire d'actifs ou encore le Family Office. Même s'il y a déjà eu une prise de contact au préalable, nous savons rarement quel sera le sujet précis de la conversation, quel montant le philanthrope souhaite investir ni à quelle échéance. Ce ne sont pas les points-clés de la discussion, d'ailleurs. En revanche, nous sommes certains de mener une conversation professionnelle, technique et approfondie sur la manière dont les fonds seront affectés au profit d'une cause chère au cœur du donateur."
En Belgique, le trio de tête des causes caritatives reste à peu près stable: la recherche médicale, la lutte contre la pauvreté et le bien-être social. Lorsqu'ils se tournent vers la Fondation, les philanthropes citent toujours plus fréquemment les sujets du climat, de la démocratie, de l'éducation, de la culture et autres thématiques d'intérêt général. S'adresser à un particulier ou à une multinationale sont deux choses radicalement différentes. À quels profils la Fondation Roi Baudouin fait-elle appel pour cela?
"Une bonne conversation avec un donateur requiert de l'empathie, du professionnalisme et beaucoup de respect", déclare Ludwig Forrest. "En parallèle, une fois la donation faite, la gestion du projet doit être irréprochable. Nos équipes sont composées d'une association de juristes, d'économistes et d'autres profils. Nous nous tournons également vers des candidats ayant une formation en communication ou en sciences humaines. En fin de compte, c'est souvent une question de personnalité et de motivation."
"Un entrepreneur ne posera pas les mêmes questions qu'un particulier, mais en général, des thématiques professionnelles (KPI, reporting, audits sociaux et réglementation européenne) vont s'inviter dans la conversation. Heureusement, plusieurs chemins mènent au rendement social. Ainsi, une entreprise peut décider de soutenir plusieurs initiatives sur le long terme, ou de se concentrer activement sur un projet qu'elle suit de près."
La philanthropie s'inscrit sur le temps long, avec des relations à très long terme. De quelle manière, exactement?
"Les dons sont souvent gérés sur plusieurs générations", explique Ludwig Forrest. "Ce que je mets en place aujourd'hui se poursuivra bien après la fin de ma carrière à la Fondation. Le Trésor d'Oignies en est une magnifique illustration. Datant du 13e siècle, c'est l'un des plus précieux fleurons artistiques de notre pays. À l'époque, mon prédécesseur avait pris contact avec les religieuses qui ont confié le trésor à la Fondation Roi Baudouin. J'ai eu le privilège de présenter cette collection au Musée de Cluny à Paris."
"Mon message, à cette occasion, était simple: c'est moi qui suis là aujourd'hui, mais dans un demi-siècle, un autre membre de la Fondation aura repris le flambeau et parlera toujours de cette donation. La philanthropie est une question de confiance. Et cette confiance ne vient pas de nulle part. Des directives, procédures et mécanismes de contrôle transparents sont en place. Grâce à eux, les donateurs peuvent nous confier des fonds en toute sérénité."
"La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres", dit l'adage. Il faut donc la préserver à tout prix. Voyez-vous des parallèles entre la fondation et la banque privée?
"Absolument!", répond Ludwig Forrest. "La relation de confiance, la gestion des actifs, la recherche d'une plus-value sont des éléments communs - simplement, pour nous, cette plus-value est sociétale."
"Nous collaborons d'ailleurs régulièrement avec des banquiers privés. Ils nous mettent en contact avec des clients qui veulent contribuer à un monde meilleur, mais ne savent pas exactement par où commencer. Cette collaboration est en fait un facteur important du succès de la Fondation Roi Baudouin."
"Mon rôle n'est pas de récolter des fonds: je suis conseiller en philanthropie", souligne le Chief Philanthropy Officer. "S'il est préférable pour un donateur de créer sa propre fondation, je vais le lui dire. Notre excellente collaboration avec les banques bénéficie aux relations avec les clients, à l'intérêt général et à la Fondation... et le donateur, de son côté, se sent réellement reconnu. Il arrive souvent que les personnes que j'ai conseillées viennent me remercier personnellement parce qu'ensemble, nous avons permis à leurs aspirations philanthropiques de prendre forme concrètement. Cela fait chaud au cœur."
Les conseils ont au moins autant d'importance que la destination des capitaux eux-mêmes
"Effectivement, et cela va très loin." Ludwig Forrest résume: "Voici les six domaines d'action de la Fondation Roi Baudouin:
- Justice sociale et pauvreté
- Santé
- Démocratie
- Patrimoine et culture
- Climat, environnement et biodiversité
- Éducation et développement des talents
Chacun est porté par une équipe de spécialistes de cette thématique, tant au niveau local qu'à l'international."
"En tant qu'organisation apprenante, notre évolution est alimentée par l'expérience des donateurs, des experts et des citoyens. L'une des grandes forces de la Fondation est que nous pouvons mettre en œuvre à l'échelon supérieur les bonnes initiatives. C'est le rêve de tout philanthrope: tester un projet, le développer et, à terme, le confier au gouvernement qui en a reconnu l'importance structurelle et lui alloue des fonds publics."
Comment la Fondation Roi Baudouin répond-elle aux demandes de nouvelles formes de philanthropie, de nos jours?
"Nous sommes flexibles. Nous sommes à même de réagir rapidement et de répondre à des besoins que le gouvernement peinerait à satisfaire. De nouvelles méthodologies telles que l'investissement à impact social ("impact investing") et la "venture philanthropy" gagnent du terrain. L'"impact investing" consiste à investir dans des initiatives qui combinent rendement financier et impact sur la société. La "venture philanthropy" applique les principes du financement par capital-risque pour atteindre des objectifs sociétaux, sans but lucratif."
"On nous demande de plus en plus fréquemment d'orienter les fonds dans cette direction. Mais la "venture philanthropy" n'est pas meilleure que la philanthropie classique: en réalité, c'est la combinaison de ces méthodes qui s'avère particulièrement efficace."
Et bien d'autres opportunités encore se profilent. "Pour les entrepreneurs belges, nous étudions également le modèle des fondations actionnaires ("holding foundations"), comme Bosch ou Novo Nordisk. Il pourrait s'avérer intéressant en Belgique aussi – non seulement pour les très grandes entreprises, mais aussi pour les entreprises comptant de 10 à 5 000 employés et réalisant un chiffre d'affaires appréciable."
La philanthropie transfrontalière évolue à vive allure
"Depuis le tournant du siècle, nous sommes une fondation européenne en Belgique", relate Ludwig Forrest. "Cela nous permet de déployer des projets dans plusieurs pays, par exemple des programmes communs autour de l'impact de l'IA sur les jeunes."
"Nous sommes à l'origine de l’alliance Myriad pour les dons transfrontaliers, un réseau international avec des partenaires aux États-Unis, au Canada, en Europe, à Singapour, en Australie, en Nouvelle-Zélande, et prochainement en Afrique et en Amérique latine. Le Fonds High Impact Athletes, où des athlètes de haut niveau s'engagent en faveur d'organisations caritatives à travers le monde, en est une belle illustration. Mais dans le même temps, l'ancrage local reste essentiel. Pendant la crise sanitaire, nous avons pu constater toute l'importance des initiatives locales, de la couture des masques au soutien scolaire."
Quelles idées fausses circulent-elles à propos de la philanthropie, de nos jours?
"Que la philanthropie, ce serait ringard!", répond Ludwig Forrest, catégorique. "Un préjugé totalement injustifié. De nouveaux termes tels que "social investing" ou "impact investing" contribuent à rectifier cette image. Le concept de "philanthropie" reste malgré tout pertinent, car il met l'accent sur la relation avec le bien commun, l'intérêt général, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Mais aujourd'hui, elle peut prendre aussi de nouvelles formes, par exemple des influenceurs capables de rassembler des sommes impressionnantes en un temps record grâce à une multitude de dons modiques. Leur engagement sincère inspire et touche principalement les jeunes. Et cette évolution amène elle-même de nouvelles opportunités: le premier fonds lié à un influenceur international est déjà une réalité."
"Selon une autre idée reçue, un don pourrait être utilisé à autre chose que la cause à laquelle le donateur le destinait. Mais cela n'arrive jamais! Notre réputation est notre maître atout, et la transparence est donc cruciale."
"Les donateurs se montrent toujours plus réfléchis dans leurs décisions, et c'est une excellente chose. Le chantage émotionnel du style "Sans votre don, ce bébé va mourir de faim!" ne marche plus. L'arrivée des entrepreneurs et des jeunes générations accroît en outre la demande d'informations pertinentes, d'impact concret et de liens entre secteurs tels que la santé et l'environnement, la pauvreté et la durabilité, etc. Avec ces croisements prolifiques inattendus, travailler pour ce secteur, pour cette Fondation, est souvent palpitant... et toujours exigeant."
La philanthropie évolue, reflétant les ambitions d'une nouvelle génération de donateurs, demandeurs de transparence, d'efficacité et de vision stratégique. La Fondation Roi Baudouin est pour eux un gestionnaire fiable d'actifs, une caisse de résonance, un conseiller et un catalyseur. Cette approche fait aujourd'hui de la philanthropie un prolongement de la gestion d'actifs qui génère de la plus-value sociétale.