Le monde en images: les aventures de Jérome, le "mulet têtu"
Le président américain n'a probablement pas beaucoup d'amis en dehors du parti républicain, mais entre Donald Trump et un certain Jerome Powell, le torchon n'a pas fini de brûler. Jerome Powell est le président de la Banque centrale américaine, l'homme aux lèvres duquel les marchés financiers sont suspendus lorsqu'il présente sa vision de l'économie américaine ou de la politique monétaire future. Il doit peser chacun de ses mots. Une seule de ses phrases peut faire s'envoler ou plonger les marchés, ou tout au moins donner le ton pour les semaines, voire les mois à venir. N'en déplaise à Donald Trump, ce n'est pas lui mais Jerome Powell qui décide de la direction que choisira le marché. Cela fait bien longtemps que les deux hommes ne sont plus les meilleurs amis du monde. Or, étrangement, c'est Donald Trump lui-même qui a nommé Jerome Powell en 2018, durant son premier mandat. À une exception près, les présidents de la Banque centrale américaine, en tout cas depuis 1950, restent en fonction pendant plusieurs années et couvrent un ou plusieurs mandats présidentiels. La Fed n'a connu que quatre présidents depuis 1987: Alan Greenspan, Ben Bernanke, Janet Yellen et Jerome Powell. Jerome Powell a donc exercé ses fonctions sous Donald Trump, puis sous Joe Biden et aujourd'hui à nouveau sous Donald Trump.
Quel est le président de la Réserve fédérale le plus célèbre? Alan Greenspan est globalement considéré comme le meilleur banquier central de l'histoire. Il doit ce titre à la gestion des nombreuses crises auxquelles il a été confronté durant son mandat: la crise asiatique, la crise du peso, la bulle Internet au début de ce siècle et, peu après sa nomination, le krach boursier d'octobre 1987. Et la liste ne s'arrête sans doute pas là. Alan Greenspan a d'ailleurs été fait docteur honoris causa de l'Université catholique de Louvain en 1997, tout comme le roi d'Espagne de l'époque, Juan Carlos, mais rétrospectivement, l'homme avait d'autres mérites. La KU Leuven avait alors déclaré: "La KU Leuven souhaite distinguer le Docteur Greenspan pour son immense mérite en tant qu'architecte de la plus longue croissance économique non inflationniste avec plein emploi et pour le leadership responsable dont il use pour orienter l'évolution monétaire à l'échelle mondiale." L'homme a donc de nombreux mérites. Une croissance économique non inflationniste? Une bénédiction pour un banquier central! Ajoutons encore que jusque dans les années 1950, on a vu de tout à la tête de la Banque centrale américaine. Jusqu'alors, il n'était en effet pas nécessaire d'être titulaire d'un diplôme en économie ou d'avoir des connaissances économiques, et l'on partait du principe qu'avec ou sans mesures, l'inflation décélérerait tôt ou tard.
Mais revenons au présent. Le mandat de Jerome Powell prend fin en 2026 et il y a de fortes chances qu'il devra alors se trouver un autre emploi. Depuis un certain temps, le Bureau ovale multiplie les attaques à son encontre. Le brave homme est en quelque sorte le punching-ball de Donald Trump. Le président souhaite en effet que les taux d'intérêt soient abaissés le plus vite possible, mais Jerome Powell n'agit pas dans la précipitation. Le pouvoir du président ne serait en fin de compte pas sans limites et la Cour suprême interdit le limogeage de Jerome Powell, Jerome Powell qui ne souhaite d'ailleurs pas se retirer. Donald Trump envisagerait de lui nommer un successeur dès le mois de septembre, histoire de lui mettre la pression. Le président martèle les avantages d'une baisse des taux d'intérêt, à savoir réduire le coût de l'emprunt et relancer l'économie. De son côté, Jerome Powell souligne l'incertitude entourant la politique tarifaire de Donald Trump et le risque d'une accélération de l'inflation. Et quel est le pire ennemi des banques centrales? Précisément une inflation (trop) élevée, surtout lorsqu'elle se double d'un ralentissement de l'économie ou d'une croissance zéro. La stagflation, en d'autres termes. Le "mulet têtu" ou la "personne stupide", les noms d'oiseaux utilisés par Donald Trump pour qualifier Jerome Powell, ne le permettra pas. Quelle que soit la virulence des invectives. La Réserve fédérale doit en effet pouvoir travailler en toute indépendance et les décisions de taux doivent reposer sur des données économiques et non dépendre de la volonté du président, dixit les banquiers centraux. Si cette indépendance est menacée, la confiance dans les États-Unis sera totalement ruinée et les investisseurs leur tourneront définitivement le dos. Mieux vaut donc traiter le "mulet têtu" avec tout le respect qui lui est dû...
Bilan du premier semestre
Le dernier jour du premier semestre, l'indice américain S&P 500 et l'indice technologique Nasdaq ont tous deux atteint de nouveaux records. La pilule est cependant amère pour l'investisseur européen: l'évolution du dollar lui joue en effet des tours. En Europe, les performances de la Bourse allemande sortent du lot. En termes de pourcentage, la plupart des indices européens accusent un sérieux retard sur nos voisins d'outre-Rhin et les marchés boursiers du sud tiennent également la forme cette année. Globalement de belles performances semestrielles malgré les turbulences du marché, mais des performances considérablement rabotées par le dollar pour un investisseur belge ou européen qui investit aussi en dollars. Ainsi, le S&P 500 passe de +5,5% (un niveau record en dollars) à -7,3% en euros. Et l'indice MSCI World Price baisse de 4,2% à -4,6% en euros. C'est dire l'ampleur de la dépréciation du dollar en 2025, en tout cas jusqu'ici.
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Les tarifs commerciaux continuent de dominer
L'évolution des tarifs commerciaux reste une source d'incertitude qui influence grandement l'humeur des marchés. Les tensions géopolitiques semblent avoir de moins en moins d'impact sur les Bourses. Les frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens ont provoqué un bref sursaut des prix du pétrole, mais sans déclencher un mouvement de panique. Le blocage du détroit d'Ormuz aurait un impact économique important (30% de l'ensemble du brut offshore passe par cette voie), mais l'Iran se tirerait par la même occasion une balle dans le pied. Ses propres exportations de pétrole doivent en effet aussi emprunter cet itinéraire et sont surtout destinées à l'Asie.
Le mois dernier, Donald Trump a de nouveau menacé d'imposer des droits de douane de 50% sur les produits de l'UE. Après un entretien avec Ursula von der Leyen, l'échéance a été reportée au 9 juillet. Il est probable que les négociations aboutissent à une baisse des taux. Nos économistes tablent sur 30% pour les importations chinoises, 25% pour le reste de l'Asie et 15% pour l'UE.
Bonne nouvelle sur le front de l'inflation. Dans la zone euro, l'inflation s'est encore ralentie (de 2,2% à 1,9% en mai). L'inflation de base est passée de 2,7% à 2,3%. La hausse des prix de l'énergie pourrait cependant briser cette tendance. Aux États-Unis, l'augmentation des droits de douane a jusqu'ici un impact limité sur l'inflation. L'inflation générale et l'inflation de base n'y ont progressé que de 0,1%.
En Europe, l'économie croît, mais à un rythme très modéré. La confiance des entreprises y reste particulièrement faible. L'humeur s'est améliorée dans l'industrie manufacturière, mais elle s'est détériorée dans les services. La confiance des consommateurs est elle aussi à la traîne.
Quant à la Chine, les récents accords conclus avec les États-Unis permettent d'espérer une amélioration des relations. Mais il y a encore du pain sur la planche. L'économie nationale reste encore très fragile. Nos économistes prévoient une croissance du PIB de 4,5% pour 2025.
Impact du conflit sur le prix du pétrole
Lors des premières attaques d'Israël contre l'Iran, le prix du pétrole a augmenté de près de 6%. La réponse de l'Iran à l'opération américaine a été limitée et "téléphonée". Le cessez-le-feu actuel est très fragile. Quelle importance l'Iran a-t-il sur l'échiquier international? L'Iran produit 3,2 millions de barils de pétrole par jour et en exporte 1,8 million. À titre d'exemple, la production mondiale de pétrole par jour est d'environ 100 millions de barils, dont près de 30% proviennent du Moyen-Orient. Toutefois, l'OPEP+ peut rapidement augmenter sa production et la demande mondiale de pétrole est déjà en recul. Il n'y a donc pas encore de problème pour l'instant. La crainte des marchés concerne surtout le détroit d'Ormuz, par lequel transitent chaque jour 30% de la production mondiale. Un blocus perturberait gravement l'approvisionnement mondial en pétrole. Il impliquerait aussi la Chine et le risque d'escalade s'aggraverait rapidement.
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Pétrole, guerre et Donald Trump: des marchés obligataires à la dérive en juin 2025
En mai 2025, les marchés obligataires ont été marqués par une volatilité permanente et une incertitude politique persistante tant aux États-Unis qu'en Europe. Cette fois-ci, il s'agissait de l'escalade et de la désescalade de la guerre entre l'Iran et Israël, d'une part, et, d'autre part, des critiques du président Trump à l'égard du président de la Fed, Jerome Powell.
États-Unis: prix du pétrole et critiques à l'encontre de Jerome Powell
Début juin, l'escalade du conflit entre l'Iran et Israël a provoqué une hausse des prix du pétrole. Le prix du Brent a augmenté de 7% le 13 juin, pour culminer à +11% le 25 juin. Cette situation a suscité des craintes d'inflation, surtout aux États-Unis, des craintes qui ont poussé les responsables de la Fed à maintenir, voire à relever légèrement, les taux d'intérêt. Mais lorsqu'un cessez-le-feu a été conclu, les prix du pétrole sont retombés à 67 dollars le baril et le drame de l'inflation s'est tassé rapidement, ce qui a également relâché la pression sur les taux à court terme.
Les craintes d'inflation initiales ont entraîné une hausse du taux américain à 10 ans à 4,50%, mais une correction à 4,24% a suivi lorsque la trêve a été conclue.
Pendant ce temps, le marché a déplacé son attention sur la frustration du président Trump face à l'approche attentiste (wait-and-see) du président de la Banque centrale américaine Jerome Powell en matière de politique monétaire. Des rumeurs ont commencé à circuler, annonçant que Jerome Powell pourrait être remplacé d'ici la fin de l'été ou qu'une sorte de président fantôme serait nommé prochainement en prévision de son remplacement. Donald Trump pourrait en effet pousser des candidats "colombes" davantage favorables à une baisse des taux jusqu'à leur nomination effective.
Toutes ces critiques pourraient rapidement éroder la confiance des marchés dans la Fed et ses membres, mais nous n'en sommes pas encore là. Il s'agit encore pour l'instant d'un "territoire inexploré", mais il convient de se méfier car les sommets des taux américains à 30 ans ne sont plus très loin.
Outre ces spéculations qui impliquaient précédemment une baisse des taux à court terme, deux gouverneurs de la Fed, Christopher Waller et Michelle Bowman, ont également plaidé en faveur d'une baisse des taux directeurs en juillet face à des chiffres de l'inflation plus favorables et à de moins bonnes données économiques. Le marché incorpore donc déjà une réduction des taux directeurs de 64 points de base cette année!
Europe: une valeur refuge et une banque centrale stable
Les obligations européennes, et en particulier les "Bunds", ont profité de l’incertitude entourant la Réserve fédérale. D'autres facteurs, tels que la volatilité des prix du pétrole et les développements géopolitiques, ont rendu la fuite vers la sécurité encore plus attrayante. Le taux allemand à 10 ans s'est stabilisé autour de 2,55%, après avoir atteint un sommet de 2,70% en mai.
La situation de la Banque centrale européenne a semblé s'éclaircir quelque peu en juin. Les chiffres de l'inflation se sont améliorés étant donné que les chiffres des secteurs des services et de l'industrie manufacturière se sont équilibrés. Le message reçu par le marché sur les chiffres de la croissance était plutôt bon. L'économie européenne a clôturé le deuxième trimestre tout juste en croissance et des signes de reprise ont été observés.
La Banque centrale européenne y voit des arguments pour marquer une pause après une baisse des taux de 200 points de base et laisser les taux directeurs inchangés afin que la reprise économique, les initiatives fiscales mais aussi le chapitre commercial se concrétisent. Le marché attend encore au maximum une baisse des taux à la fin de cette année ou au début de 2026, mais un plancher commence à se former sous les taux d'intérêt européens.
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Dollar américain: nouvelle dépréciation du billet vert
Les attaques répétées de Donald Trump à l'encontre de Jerome Powell, y compris la menace de son remplacement, ont nourri l'incertitude entourant le dollar. La monnaie américaine n'a pas non plus pu faire office de valeur refuge durant l'escalade de la guerre entre l'Iran et Israël et s'est affaiblie par rapport à l'euro, au franc suisse et à la livre sterling. Le billet vert est également resté sous pression en raison du regain d'intérêt des marchés pour la réduction du différentiel de taux d'intérêt entre le taux directeur américain, qui devrait baisser dans le courant de l'année, et le taux directeur européen de la BCE, qui devrait rester stable. L'euro a atteint un nouveau sommet le 30 juin à 1,1750 face au dollar.

Aidés par des données économiques positives et l'apaisement des tensions commerciales, les écarts de crédit des obligations investment grade se sont encore réduits en juin. Les marchés du crédit ont bénéficié du regain d'intérêt pour le risque, également observé sur les marchés d'actions. Le marché des obligations à haut rendement a présenté une évolution synchrone.
Le mois de juin 2025 a été marqué par un mix dynamique de géopolitique, de volatilité des prix des matières premières et de pressions politiques. Les chocs des prix pétroliers provoqués par le conflit entre l'Iran et Israël ont renforcé les inquiétudes concernant l'inflation, tandis que les attaques de Donald Trump à l'encontre de Jerome Powell ont amplifié les fluctuations des taux d'intérêt. Dans le même temps, cela a créé des opportunités pour les investisseurs en obligations en Europe, valeur refuge. Le dollar américain a été la principale victime d'un mois de juin une fois encore volatil.
Stratégie d'investissement KBC
ACTIONS CYCLIQUES: les politiques volatiles de Trump et la menace d'une guerre commerciale assombrissent les perspectives de ces secteurs. Nous restons prudents sur les industriels, mais restons neutres sur les matériaux de base. Nous sommes un peu plus prudents à l'égard des sociétés de luxe européennes, en augmentant légèrement la pondération de Tesla pour la rendre neutre.
ACTION DEFENSIVES: sur le plan sectoriel, la préférence va principalement aux soins de santé. Dans ce secteur, nous sommes principalement positifs pour les entreprises pharmaceutiques traditionnelles et plutôt neutres pour la technologie médicale. Nous sommes neutres pour les entreprises de télécommunications. Après une forte progression, nous continuons à réduire notre position sur les produits alimentaires et les boissons, une valeur refuge en période de volatilité accrue. En conséquence, nous sous-pondérons les biens de consommation non cycliques.
ACTIONS FINANCIERS : pour le secteur financier, nous sommes surpondérés. Les marges d'intérêt restent élevées et l'évolution attendue de la courbe des taux amplifie également cet effet dans les mois à venir. Après une forte progression, nous avons légèrement réduit les compagnies d'assurance, en faveur des banques européennes et américaines. Ces dernières peuvent bénéficier d'une réglementation plus limitée.
IMMOBILIER: après une période difficile pour l'immobilier, le secteur devrait pouvoir bénéficier de taux d'intérêt plus bas qu'il y a quelques années. Néanmoins, les taux d'intérêt à long terme restent assez élevés, ce qui pèse encore sur le coût du financement dans ce secteur principalement orienté vers les États-Unis. En raison de l'orientation américaine du secteur, nous maintenons notre opinion neutre.
TECHNOLOGIE : nous surpondérons le secteur technologique dans son ensemble. Nous restons surpondérés sur les médias (services de communication) et les logiciels et sous-pondérés sur le matériel. En ce qui concerne les semi-conducteurs, nous sommes neutres. La récente correction de ces valeurs technologiques rend également les valorisations un peu plus intéressantes. Nous avons donc renforcé un peu plus Nvidia et Software, ce qui signifie que nous sommes à nouveau un peu plus surpondérés dans le secteur des technologies de l'information.
REGIONS
Les marchés boursiers américains ont dû supporter le poids de la guerre commerciale du président Trump pour l'instant, mais ont pu se redresser solidement depuis le "jour de la libération". Nous maintenons une position neutre sur les actions américaines et en avons repris un peu le poids récemment, en particulier dans les sociétés technologiques. Nous sommes neutres à l'égard de la zone euro et d'autres pays non membres de l'euro. Nous conservons une petite position sur les petites et moyennes capitalisations de l'UEM.
Une stratégie d'investissement sur mesure.
Que se passe-t-il à l'échelle mondiale? Et quelles sont les conséquences pour les marchés financiers? Dans la Stratégie d’investissement KBC, nous développons nos perspectives géographiques, sectorielles et thématiques.
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